jeudi 18 août 2011

Avant que la Sécurité Sociale ne soit qu’un trou



Ceci est un article que j'avais rédigé pour Asclepieia, un ami avec qui je partage un certain nombre d'idées, de combats, d'opinions, ... Il m'avait laissé tribune libre à l'époque (janvier 2011) et m'a autorisé ce petit recyclage... Merci à lui !

Que l’on soit clair d’emblée, la santé a un coût…
Nous sommes tous conscients, lorsque nous sommes amenés à prescrire des examens, ou des médicaments, que cette prescription représente un coût pour la société, mais que le bénéfice que nous en attendons, pour le patient, pour la société, est bien supérieur à ce coût.
C’est notre travail, au quotidien, de tout mettre en œuvre pour apporter des soins de qualité à chaque individu, c’est rassurant de savoir que, face à l’injustice et la soudaineté de la maladie, l’on sera épaulé.
Cette mission, nous l’avons héritée, entre autres, de la Sécurité Sociale de 1945.
Permettez-moi une petite digression, car, en la matière, il est important de contextualiser et de prendre du recul : la « dictature de l’instant » tue la réflexion, tout faire trop vite et sans prendre le temps de la réflexion, c’est surtout mal faire… (Toute ressemblance avec des personnes existantes ou ayant existé est purement fortuite et indépendante de notre volonté.)
Ne faisons pas de rappel sur les évènements historiques précédents la création de la Sécurité Sociale, ni sur le rôle de cet organisme pivot au sein d’un modèle de cohésion sociale empreint d’humanisme, ni sur le programme du Conseil National de la Résistance qui l’a mis au monde, Stéphane Hessel s’en charge bien mieux…
Si l’on raisonnait pragmatiquement, l’on pourrait dire que la Sécurité Sociale, à la période de la reconstruction, avait pour but de maintenir les travailleurs en bonne santé, afin qu’ils produisissent le maximum de biens (remarquez l’emploi de l’imparfait du subjonctif), le plus rapidement possible, dans une période où l’emploi n’était un problème que parce qu’on manquait de travailleurs pour produire tout ce que l’on voulait produire.
C’était également à cette période que poignaient les prémisses du droit du travail, pour des raisons de productivité là encore.
Au final, ces raisons de productivité apportaient un bénéfice en terme de traitement des maladies et de rapports sociaux : mon côté naïf me fait revenir à la définition de la santé de l’Organisation Mondiale de la Santé, également née en 1945 : « La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité ».
On peut donc dire que la réforme de la Sécurité Sociale et du droit du travail étaient en lien direct avec la Santé des Français, dans une vision à long terme, avec un pari simple : le travail finance la santé, qui finance le travail…
C’était une belle boucle, et à l’époque, on comprend pourquoi c’était le Ministre du Travail qui se chargeait de ces questions (toute ressemblance avec …)
Ainsi, avec les 30 glorieuses, le système était plutôt bénéficiaire, les premiers signes de faiblesse se faisant sentir au moment des crashs pétroliers des années 70, mais, bon gré mal gré, sans revenir sur toutes les attaques que la Sécurité Sociale a du affronter jusqu’à ce jour, on voit que le problème du déficit de la Sécurité Sociale commence à devenir inquiétant au début des années 1990.

Les comptes de la sécurité sociale. Source: les échos
Je ne souhaite pas politiser la gestion des comptes de la Sécurité Sociale, mais l’évolution depuis 1968, du solde de la Sécurité Sociale n’est pas très en faveur de nos dirigeants actuels : il y a un bond extraordinaire entre 2008 et 2009, alors que c’était l’année des franchises médicales, des déremboursements, de l’augmentation du forfait hospitalier, …
Sans mauvaise-foi, serait-ce dû aux extraordinaires largesses du paquet fiscal ?
Ne nous attardons pas : revenons à nos moutons (aucun rapport avec le Ministre cité un peu plus haut) et regardons le passé récent, rempli d’exonérations de charges sociales, de déremboursements, de chômage record …
A cause de ces différentes exonérations (niches sociales, une partie du paquet fiscal) et de la diminution des cotisations sociales (moins de travailleurs, donc moins de cotisations), on comprend que, pour ne pas liquider la Sécurité Sociale, des compensations sont venues (heureusement) se greffer dans cette boucle simple travail – santé – travail.
Ces compensations (taxes sur les cigarettes, l’alcool, CSG/CRDS, …) devraient être versées en totalité au budget de la Sécurité Sociale… mais ne le sont qu’incomplètement !
En effet, pour ne citer que l’année 2009, la Commission des Comptes de la Sécurité Sociale pointe une dette de l’Etat à l’égard de la Sécurité Sociale de 3,5 Milliards d’Euros, qui devrait être réduite à environ 800 millions d’Euros en 2010…
Pour pallier le manque, la Sécurité Sociale est bien obligée d’emprunter de l’argent, mais elle ne peut le faire qu’auprès de l’Etat, et naturellement, avec des taux d’intérêts, qui, comme chez les banquiers, laissent douter de la philanthropie du prêt.
En 2009, ce taux était de 3,30 % (et c’était une baisse par rapport à 2008!), en sachant que le taux de refinancement de la Banque Centrale Européenne, qui correspond, grosso modo, aux taux d’intérêts moyens pour les banques à l’époque, était de 2% : il y avait 1,3 % de marge, depuis les comptes sociaux vers le budget de l’Etat !
Avec ce fonctionnement un peu insensé, on arrive à un bilan global sur le déficit cumulé de la Sécurité Sociale (prévu à 87 milliards d’Euros pour 2011), et qui est aujourd’hui la somme de l’insuffisance des recettes (l’Etat ne donne pas tout, les cotisations baissent, il y a des exonérations non compensées), et de l’augmentation des dépenses (remboursement des intérêts d’emprunt).
Il paraît que c’est la faute de l’hôpital… Nous verrons cela dans l’épisode 2 !
Note : Les données citées sont issues du rapport 2010 de la Commission des Comptes de la Sécurité Sociale

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