samedi 20 août 2011

La santé sous pression: 4 histoires vraies


La théorie, c’est bien. La pratique, c’est mieux. Voici donc le troisième épisode de la tribune libre qu'Asclepieia m'avait laissée pour dresser un constat sur l'agonie actuelle de la Santé. 
Il est vrai que les 2 premiers épisodes (vous pouvez relire ici l’Episode 1 et l’Episode 2) étaient peut-être un peu simplifiés, mais le bourbier est tellement complexe qu’il faut d’abord une vision un peu globale avant de rentrer dans les détails…
Ce coup-ci, pas besoin de simplifier, puisque c’est la vraie vie…
Tous les cas que je rapporterai ici se sont passés entre fin 2010 et aujourd’hui.
Ils sont soit vécus, soit rapportés par des proches qui l’ont vécu en tant que patients.
Pour des raisons évidentes de confidentialité, on ne citera aucun lieu ni nom…
Ca commence « facile ».
En plus, c’est bien, c’était un Médecin Généraliste conventionné Secteur 1, ceux qui pensent que j’ai mis une couche trop sévère sur le secteur ambulatoire dans l’épisode 2 seront contents :
Médecin Généraliste d’une structure d’urgences de ville, Visite à Domicile :
Dans la détresse sociale la plus totale, entre les milliers de magazines, une boîte de pizza encore à moitié pleine d’un mélange expérimental de mycologie et de ce qui fût un repas. Le lieu choisi par la maman pour faire diner sa fille de 8 ans est le sol, en effet, il n’y a pas de table.
La mère, 48 ans, française depuis peu, n’a pas de Médecin Traitant, elle est en crise d’asthme suffisamment stable pour ne pas être inquiétante, mais pas assez grave pour être admise à l’hôpital. De toute façon, elle n’aurait pas voulu aller à l’hôpital, la fille n’aurait pu rester toute seule à domicile.
La fille a une otite depuis 4 jours.
La discussion tourne autour des médicaments : elle n’est pas à 100 % pour le moment, elle n’a pas assez d’argent pour faire l’avance des frais pour sa fille.
Il lui reste un inhalateur pour elle, de quoi tenir quelques jours, le temps que la crise cède. Elle montre une boîte d’antibiotiques à moitié vide, pour la fille. Dans la trousse, une boîte pleine de cet antibiotique, un reste du cabinet… Disons qu’elle a du tomber par hasard chez elle…
Elle cherche en hésitant un peu d’argent dans son sac à main, elle n’a pas assez d’argent pour régler sa visite (c’est pas si grave).
Elle propose une part de pizza comme rémunération…
Hôpital Public, consultation en Hôpital de Jour :
Patiente de 37 ans, séropositive, devant venir consulter pour un bilan. Elle avait rapproché sa venue parce qu’elle a quelques troubles au niveau musculaire, dit-elle par téléphone à la secrétaire.
Le matin même, à l’admission, elle présente sa carte de Sécurité Sociale. Ses droits de mutuelle ne sont plus à jour. Elle a perdu son emploi, pourtant précaire, il y a à peine assez de temps pour que sa mutuelle ne soit plus valable.
Elle ne pourra pas payer le Reste à Charge. Elle repart sans avoir vu de médecin. C’est la secrétaire qui informera le service de la décision de la patiente. Elle ne répondra pas aux coups de fil…
Hôpital Public, urgences pédiatriques :
Jeune patiente de 10 ans, appendicite diagnostiquée par son père, une sommité de la Faculté de Médecine, à 6h le matin.
Il l’accompagne à l’hôpital le plus proche. Manque de chance, c’est un hôpital pour adultes. Grâce à ses relations, il réussit à obtenir une échographie, qui confirme l’appendicite, avec un peu de liquide dans le ventre, trop peu pour inquiéter, mais toujours trop pour rassurer son papa. Il est 8h à ce moment.
Le transfert est organisé, l’enfant arrivera à 12h à l’hôpital pédiatrique, pourtant situé à moins de 2km de l’hôpital initial.
Les examens sont faits, le diagnostic complètement confirmé, une nouvelle échographie est faite à 14h : le liquide semble un peu avoir augmenté de volume, mais pas tant que cela. L’enfant est rassurée, tout le monde lui dit que le chirurgien va bientôt arriver, mais que, ça ne semble pas trop grave, elle pourra éventuellement repartir dans 48h, après son opération.
En attendant, on essaye de trouver un anesthésiste pour faire une consultation avant l’opération. Ils sont peu, beaucoup de travail…
Le 2ème problème, c’est que le bloc opératoire a été fermé, le bloc d’urgence est déjà pris.
Il va falloir attendre. Encore.
Le chirurgien arrivera enfin à 20h30, le bloc sera disponible à 22h, l’enfant descendue au bloc à 22h30, sans avoir vu l’anesthésiste.
Le chirurgien appellera le père dans la nuit : finalement, il y avait beaucoup de liquide dans le ventre, l’enfant devra rester plus longtemps à l’hôpital, avec des antibiotiques puissants en intraveineux.
La fille restera prostrée quelques jours, n’ayant plus confiance dans le monde des adultes.
Hôpital Public, gynécologie :
Patiente de 55 ans, adressée par son Médecin Traitant (oui, le spécialiste en ville, c’est compliqué à avoir pour 23 €) qui s’inquiète, à juste titre : le frottis était pas trop rassurant, l’examen clinique non plus, puisqu’il a trouvé, lui, dans son cabinet de Médecine Générale, une petite boule de 3cm au bord du col, un peu irritée, qui saignotte un peu. Bref, on dirait bien un cancer du col de l’Utérus à un stade relativement avancé.
Ce serait bien d’avoir un bilan rapide avec une intervention rapide aussi. La patiente téléphone à l’hôpital public, au secrétariat indiqué par son médecin.
Après 20 minutes d’attente au téléphone (les numéros changent tout le temps, les correspondants sont lents à répondre ou occupés), elle finit par tomber au bon endroit.
Elle demande un rendez-vous rapidement, en précisant : il y a écrit « en urgence » sur le courrier.
On lui propose le choix : en public, c’est 4 mois d’attente (et encore, c’est peu, paraît-il). En privé, elle peut avoir un rendez-vous dans les 2 semaines. Quelques coups de fil heureux plus tard, on lui proposera finalement un nouveau délai. 1 mois. Seulement…
Conclusion :
On ne fera pas de litanie, ce serait inutile, et vous avez compris les histoires. On en a tous des dizaines, des centaines, sur l’aberration des remboursements de médicaments inutiles, sur les bons de transport parfois injustifiés, sur les médicaments qui ne sont pas bien remboursés quand ils sont prescrits, mais en vente libre quand même (dédicace au paracétamol, au racécadotril, …), sur tous les drames humains que l’on vit au quotidien du fait de la désorganisation, par manque de personnels, par les contrôles incessants que l’on subit… Sur tous ces gaspillages, alors que l’on pourrait être plus efficients en écoutant simplement les professionnels…
Tout le monde sait ce qui se passe, peu se bougent…
Pour combien de temps encore ? Si possible, un peu avant que les grands groupes d’assurance ne viennent remplacer la Sécurité Sociale. Ce serait honorable.

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